Patrick Cayrou

Patrick Cayrou, JFL « la maison habitée ».

Il a quitté cette maison du village pour s’installer dans une autre avec tout le confort moderne, aux normes. Sans doute n’a t-il pris qu’une valise avec quelques vêtements et déménageât ainsi, à pied pour se rendre à quelques rues de là. Il a fermé la porte et tout s’est figé encore d’avantage avec l’effacement de la vie qu’il y mettait, presque sans s’en rendre compte. Il habitait ce lieu, sans lui il continue pourtant d’exister dans son immobilité. Chaque jour il y revient encore pour donner une caresse au chat qui est resté là. Un capharnaüm, un fratas hétéroclite comme une sorte de cabinet de curiosité d’objets du commun. Les choses sont posées comme des mots dans un dictionnaire sans alphabet, au hasard d’un endroit disponible ou mises là par-dessus quelque chose d’autre. De l’usuel, du pratique, de l’utile agrémenté de quelques souvenirs, cadeaux improbables de voyages régionaux parmi lesquels ne manque qu’une tour Eiffel. Un temps arrêté où même les vêtements des disparus restent accrochés à la patère, suspendus à portée de mains. Des calendriers sont comme des balises à cloche sur une mer à jamais dans la brume. Feuilles et fleurs ont fini par sécher depuis longtemps, aussi longtemps qu’on ne sait plus le nom de l’aïeul dans son cadre ovale, vieille photo du passé. Des miroirs de toute taille sur les murs comme pour donner de la profondeur, des trous de lucarne pour voir plus loin avec des reflets d’une lumière indirecte. Des fusibles en sachet côtoient la clé pour boîte à sardines. Des relevés de banque trainent sur le rebord de la cheminée, le logo de l’établissement montre leur ancienneté. Tout est en place et pourquoi faudrait-il déplacer la lampe de mineur pendue au crochet soutenant le canon de la vieille pétoire ? Un pape, un cardinal et des bondieuseries finissent par donner de la solennité à ce qui ne semble pourtant qu’illustrer la foi du charbonnier. Il est intarissable pour dire l’origine de chaque objet, vous dira par qui et quand fût offerte cette poupée en robe rouge, peut-être une danseuse de flamenco. Le temps s’accroche à vouloir rester vivant, en mouvement sur cet océan sans vent, mais son tic-tac reste inaudible. 

+Ce qui a retenu l’attention du festival  
Patrick Cayrou part à la rencontre du temps, celui qui passe, qui fige les moments, celui qui demeureet qui finalement fait la mémoire des lieux et des gens. Cette série est empreinte de réalisme et de finesse ; elle restitue avec justesse le regard d’un homme sur son passé et la vie qu’il a traversée.